Les aimants permanents, contrairement aux électro-aimants, n’ont pas besoin de courant pour générer un champ magnétique. On les trouve partout : sur les frigos, dans les jouets, mais aussi – et c’est moins connu – dans les disques durs, les moteurs électriques et les éoliennes. Seul hic : l’Europe ne dispose pas des minerais nécessaires à leur fabrication.
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Émergence d’une filière française de recyclage
Moins de 1 % des aimants que l’on retrouve dans les déchets électriques et électroniques (D3E), dans les véhicules hors d’usage (VHU) ou dans les ordures ménagères sont aujourd’hui recyclés. Un gâchis quand on sait que ces alliages métalliques sont fabriqués à partir de terres rares, dont presque toutes les mines sont contrôlées par la Chine. La souveraineté de l’Europe sur ces matériaux est d’autant plus menacée que la demande liée à la transition écologique, notamment à l’électrification de l’industrie et des usages, augmente partout dans le monde. C’est pourquoi la France soutient l’émergence d’une filière de collecte et de valorisation. Celle-ci se concrétise. Deux entreprises financées par l’ADEME viennent de démontrer qu’il était possible de collecter les aimants permanents en vue de leur recyclage. L’une, Daimantel, est en train de structurer la collecte et le traitement de ces matériaux en région Grand Est (lire l’encadré). L’autre, MagREEsource, vient d’inaugurer près de Grenoble la première usine européenne de fabrication d’aimants permanents à partir de matière 100 % recyclée.
Un impact environnemental 80 % moins élevé
Construite avec l’aide de l’ADEME, dans le cadre du Programme d’Investissements d’Avenir devenu France 2030, cette usine s’appuie sur une technologie innovante de recyclage, à l’hydrogène, que les fondateurs de MagREEsource ont mise au point alors qu’ils étaient chercheurs au CNRS. Il s’agit de pulvériser les déchets d’aimants, puis d’utiliser les poudres obtenues pour fabriquer de nouveaux aimants. « Nos produits sont indifférenciables des neufs, et répondent parfaitement aux cahiers des charges des industriels, assure Luc Aixala, directeur économie circulaire de l’entreprise. En revanche, ils ont un bilan carbone dix fois moins élevé. » De façon générale, l’impact environnemental des aimants recyclés (sur les consommations d’eau, les pollutions, etc.) est 80 % moins élevé. Le recyclage évite l’extraction minière de terres rares, puis leur traitement et leur transport entre les continents. Or toutes ces étapes sont très énergivores et recourent à des produits toxiques. « Les industriels sont sensibles à cet argument. C’est pourquoi, même si notre usine est encore en phase de démarrage, nous croulons déjà sous les demandes. » À peine le site inauguré, en juin 2024, MagREEsource prévoit déjà la construction d’une nouvelle unité pour 2027, capable de produire jusqu’à 500 tonnes d’aimants par an, et dont la capacité devrait atteindre 1 000 tonnes par an à partir de 2031 (contre 80 t/an aujourd’hui). Surtout, l’entreprise est en train de travailler sur une autre technologie, complémentaire à la précédente, qui permettrait à cette « MagFactory » de produire une nouvelle catégorie d’aimants, aux performances magnétiques supérieures. Ce projet va renforcer la souveraineté européenne sur ces matériaux, mais aussi la résilience d’un territoire.
Transition juste
« La région de Grenoble a beaucoup souffert de la désindustrialisation, notamment de la délocalisation de ses usines de fabrication d’aimants dans les années 1990, raconte Luc Aixala. Notre MagFactory va permettre d’y recréer plus de 200 emplois d’ici 2030. C’est pourquoi nous avons aussi reçu le soutien de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, via le Fonds de Transition Juste. » Cette ambition est aussi affichée par l’entreprise Daimantel, dont le développement de l’activité devrait contribuer à revitaliser un ancien bassin sidérurgique, en Moselle.
Collecter les aimants, un défi !
« Les aimants s’agglutinent et interagissent avec leur environnement, rappelle Olivier Skora, responsable commercial de Daimantel. Cela rend la collecte difficile, et peut engendrer des accidents du travail. Des intoxications ou des pollutions sont aussi possibles, lorsque les aimants sont utilisés dans un milieu très pollué. Nous avons donc développé des compétences et machines spécifiques pour sécuriser leur collecte. » L’entreprise, créée en 2021, récupère et démantèle tous types d’appareils usagés contenant des aimants permanents. Elle extrait ces derniers et les traite de manière à fournir à ses clients soit des aimants reconditionnés, soit des poudres d’alliages contenant des terres rares prêtes à être recyclées.
Lauréate de l’appel à projets « Objectif recyclage matière » (ORMAT) de l’ADEME, Daimantel a récemment lancé un projet, baptisé ATRAPER, qui vise à augmenter le taux de réemploi des aimants permanents recyclés en développant de nouveaux processus d’identification et de traitement. L’entreprise fait par ailleurs beaucoup de sensibilisation et d’information auprès des industriels et des particuliers, pour les inciter à trier et faire recycler leurs appareils usagés (D3E, VHU, etc.).